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DONALD NEWE UN CHUCHOTEUR QUI ECOUTE...

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Après Pat Parelli, nous vous proposons de faire
la connaissance d'un autre "chuchoteur", Donald
Newe, un Allemand installé en France, 'souvent
de passage en Suisse romande. Rencontre avec un homme
à qui les chevaux ont appris le respect, la patience
et la tolérance et qui dit éduquer les
cavaliers plutôt que les chevaux.
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Le Cavalier Romand : Parlez-nous
de votre méthode...
. Donald Newe : Je n'ai pas "la méthode"
je cherche seulement à faire profiter les autres
de mon expérience. On m'a déjà demandé
d'écrire un livre sur le débourrage. Mais
ce n'est pas possible, car il n'y a pas un système,
pas une méthode universelle. Chaque cheval et chaque
personne sont différents. L'important, c'est de
s'adapter à chaque cheval, de trouver son propre
chemin.
A Fort Worth, aux USA (ndlr : lire le "Cavalier Romand"
du mois d'avril), lors du grand rassemblement des "nouveaux
maîtres", il y avait une soixantaine de dresseurs.
Tous travaillaient selon les mêmes principes, mais
chacun à leur façon. C'est un peu comme
la cuisine : il y a des recettes, mais elles ne suffisent
pas à faire des bons plats et elles sont susceptibles
d'être adaptées.
. C'est donc plutôt une
philosophie ?
. Exactement, une manière d'être.
Une façon de penser, d'agir, de sentir. Ça
sort des tripes, pas de la tête.
. Sur quels principes repose votre approche?
. Il faut observer, réfléchir, comparer.
Chercher à faire équipe avec son cheval,
le respecter, le considérer comme quelqu'un d'égal,
comme un être intelligent, travailler en harmonie
avec lui. Le traiter comme on aimerait être traité
soi-même. Le cheval a besoin de confort, de sécurité
et de plaisir. Il doit en premier lieu comprendre que
je ne lui veux que du bien, que je suis en quelque sorte
son protecteur. Je dois gagner sa confiance, lui apprendre
à dépasser sa crainte naturelle, l'habituer
à tout. C'est tout le travail de mise en confiance
et de désensibilisation.
Ensuite, il faut lui inculquer l'autorité. Se
faire respecter en tant que chef. Disons qu'il faut
être aussi gentil que possible et aussi ferme
que nécessaire. Et surtout sourire. C'est très
important, car ainsi on respire plus profondément.
Il faut savoir dire non avec le sourire, sans être
fâché. Il faut être vigilant, mais
confiant. Faire les choses au bon moment.
.Vous commencez toujours par
le travail au sol ?
. C'est primordial. La relation s'établit à
pied. On monte souvent trop vite sur le dos des chevaux.
En cas de problèmes, il ne faut d'ailleurs pas
hésiter à mettre pied à terre,
car c'est à pied qu'on les résout.
. D'après votre expérience,
les problèmes sont-ils fréquents?
. Si un cavalier dit ne pas avoir de problèmes
avec ses chevaux, c'est soit qu'il n'a pas de cheval,
soit qu'il ne voit pas les problèmes, soit qu'il
est vraiment très fort ! Prenez par exemple le
montoir. Il est très fréquent qu'un cheval
n'accepte pas de rester immobile. C'est déjà
le signe d'un problème, même si la majorité
des cavaliers ne le considère pas comme tel.
L'immobilité, c'est une des règles de
base. On doit apprendre au cheval à attendre,
à être patient. Et si à ce petit
problème s'en ajoute un autre petit et ainsi
de suite, cela finit par en faire un gros. Il ne faut
pas éviter les problèmes, il faut même
plutôt les chercher, afin de pouvoir les résoudre.
Personnellement, j'aime mieux avoir dix solutions pour
un problème qu'une solution pour dix problèmes.
Chaque petit progrès doit être reconnu
et récompensé. Et puis il faut se rappeler
que l'on doit soigner les causes et pas les symptômes.
. Qu'attend-on d'un cavalier
homme de cheval ?
. L'absence de peur et de colère, et une patience
infinie.
. Pour vous, un cheval est intelligent?
. Certainement. L'intelligence
n'est pas l'exclusivité de l'être humain.
Ce dernier, s'il ne manque pas d'intelligence, manque
par contre souvent d'humilité et de sagesse...
Comment peut-il par exemple envisager être supérieur
à un être qui est plus grand, plus fort,
plus rapide, plus lourd et parfois même plus malin
que lui ?
. Qui fait appel à vous
et pourquoi?
. La majorité des gens qui le font sont confrontés
à un problème qu'ils n'arrivent pas à
résoudre. Mais il Y a aussi ceux qui veulent
aller plus loin dans la relation à leur cheval,
ceux qui veulent en savoir plus sur le comportement,
sur la psychologie animale et ceux qui recherchent plus
de sécurité.
. Sécurité?
. Oui. La plupart des gens sont en danger quasi permanent
avec leurs chevaux mais ne s'en rendent pas compte!
Grâce à la natural horsemanship, on a plus
de sécurité. Mais pas une sécurité
absolue. Le risque zéro n'existe pas. Le cheval
est un animal puissant et rapide, avec des réactions
de proie. Personnellement, je travaille avec des chevaux
considérés comme dangereux ou fous, mais
des gens comme moi ont moins d'accidents que des gens
"normaux" avec des chevaux "normaux",
dans des situations dites normales. Il faut être
attentif et savoir anticiper.
. Pourquoi tant de cavaliers n'ont-ils
pas avec leur cheval cette qualité de relation
que vous préconisez?
. C'est souvent un défaut d'éducation.
L'enseignement devrait les encourager à observer,
à réfléchir et à poser des
questions. Ce n'est la plupart du temps pas le cas.
Dans les cours, on entend souvent la phrase : "
ne te laisse pas faire, montre lui qui est le chef!
". Je trouve ça pitoyable. Je le répète,
le cheval est un partenaire, un ami, avec qui on fait
équipe.
. N'est-ce pas parfois la "faute"
du cheval ?
. Un cheval n'est ni con ni emmerdeur, comme le prétendent
certains, il est simplement cheval... il veut juste
être tranquille. Trop de gens blâment leur
cheval quand il se comporte... comme un cheval ! Vous
savez, ce sont les chevaux qui ont des problèmes
avec les humains, pas l'inverse... il faut savoir qu'un
cheval remet en questions tout ce qu'on lui demande.
Il veut être sûr qu'il n'y a aucun risque.
C'est son instinct de proie qui veut ça. Dans
la nature, il n'a pas droit à l'erreur. S'il
en commet une, il est mort.
. Parmis les reproches faits par
les "pros" à votre façon de
faire, on entend souvent que celle-ci demande beaucoup
plus (trop) de temps...
. C'est vrai, du moins au départ. Mais ce temps
que certains considèrent comme perdu au début
est du temps gagné par la suite, car c'est acquis
pour toujours. De manière générale,
on demande aux chevaux trop de choses trop vite, on
brûle les étapes, un peu comme si on faisait
passer un enfant directement de la maternelle (école
enfantine) à l'université. Les plus grands
dresseurs de chevaux ont besoin de 7 ans pour "faire"
un cheval. On a toute une vie pour être bien avec
son cheval, alors pourquoi précipiter les choses...
. Qui a le temps aujourd'hui?
. C'est bien là le problème. On passe
en moyenne six heures par semaine avec son cheval. Peut-on
prétendre le connaître vraiment dans ces
conditions? il est très important de passer du
temps, beaucoup de temps avec son cheval.
. Quelle est votre motivation?
.
Les chevaux sont un cadeau. C'est eux qui m'ont tout
appris, le respect, la patience, la tolérance.
C'est eux qui m'ont fait ce que je suis aujourd'hui.
Ils sont ma raison d'être, d'exister. Mon garde-fou.
Et puis, au cours des derniers 5 ou 6'000 ans, le cheval
a suffisamment souffert à cause de notre incompétence
et ignorance, il a travaillé pour nous; je pense
qu'il est temps que ça change, temps de lui dire
merci. Il y a tant de cavaliers qui prétendent
"savoir". Or on ne sait jamais. Même
des hommes de chevaux aussi expérimentés
et réputés que Ray Hunt et Tom Dorrance
(ndlr : deux leaders américains du mouvement
des nouveaux maîtres) continuent d'apprendre.
Lors de mon premier stage, je suis arrivé avec
100 questions, j'en suis reparti avec 1 '000 !
. Vous vous définissez
plutôt comme dresseur de cavaliers que comme dresseur
de chevaux ?
. La plupart du temps, il faut éduquer le cavalier
avant de s'occuper du cheval. L'équitation, c'est
plus un travail sur soi que sur le cheval. Si l'on ne
peut se contrôler soi-même, comment peut-on
envisager de maîtriser son cheval?
Propos recueillis par Sophie KASSER-DELLER
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"NOUS NE SOMMES PAS MAÎTRES DU MONDE"
C'est à l'âge de 8, 9 ans que Donald Newe
commence à monter à cheval, dans un club.
"Tu donnes un coup de jambe pour avancer et tu
tires sur tes rênes pour t'arrêter, ce n'était
pas mon truc !" Puis
il a eu une jument, avec laquelle il est tombé
"de cent cinquante manières différentes...
Comme mon
père ne voulait pas m'acheter de selle, j'ai
monté à cru, avec un licol. C'était
une bonne chose."
A 12 ans, il est fasciné par les Indiens chasseurs
de bisons. Plus tard, il se rend en Amérique
du Nord, observer les chevaux sauvages et approfondir
ses connaissances des Indiens et de leur philosophie.
Il "pratique" aussi Tom Dorrrance,Ray Hunt,
Buck Brannaman et autres grands maîtres.
Aujourd'hui, à 40 ans, cet Allemand au "look
d'Indien", s'est installé en France, non
loin de Paris et non loin de Michel Henriquet, avec
lequel il travaille régulièrement, notamment
pour débourrer ses jeunes chevaux. Il y a fondé
l'association Cheval Liberté. Animé d'un
profond respect pour les chevaux, il s'implique aussi
dans des organes de défense des animaux. Au gré
des demandes, il se déplace pour faire partager
son expérience. Si le terme de nouveau maître
lui paraît ridicule, "car il n'y a rien de
nouveau dans cette approche du cheval et de l'équitation",
celui de chuchoteur ne lui semble pas non plus approprié
: "on devrait plutôt parler d'écouteur...".
Doué d'un savoir faire indéniable, Donald
Newe assure ne pas être né avec ce don
: "le sentiment, ça s'apprend. Mais il faut
le vouloir. Vraiment." Devant notre perplexité,
il ajoute : "je n'ai jamais dit que c'était
facile...". Son credo? Continuer d'apprendre, encore
et toujours, au contact des chevaux,
sans savoir jusqu'où on va aller, mais en sachant
que l'on n'est pas perdu." Sa motivation?
"Prouver que c'est le cheval qui a raison."
Son rêve? "Que les gens arrêtent de
prendre les chevaux pour des imbéciles. Nous
ne sommes pas des dieux. Nous ne sommes pas maîtres
du monde, même si beaucoup d'entre nous ont tendance
à le croire..."
S. K.-D.
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PATIENCE
INFINIE...
La première rencontre d'Evelyne Giobellina avec
"l'art de chuchoter" se fait via Monty Roberts.
Elle s'est ensuite intéressée à Pat
Parelli, a travaillé avec un de ses instructeurs,
puis avec Pascal Rochat. Si elle a fait appel à
Donald Newe, c'est pour son côté "communicatif,
parce qu'il explique bien". Donald est déjà
venu plusieurs fois à La Claie-aux-Moines, dans
les superbes installations qu'Evelyne Giobellina a érigées
pour ses akhal-tékés.
C'est là que nous avons rencontré le
dresseur allemand pour la première fois. Et que
nous avons pu juger de sa patience infinie : pendant
deux heures et demie, dans un calme absolu "j'ai
tout mon temps, ça prendra une semaine s'il le
faut!" -, il a attendu qu'Arassow, un poulain akhal
de 6 mois, veuille bien monter dans un van. Ce qu'il
fit finalement, entrant et sortant à plusieurs
reprises en totale confiance. Comme s'il avait fait
ça toute sa vie. "Un cheval est fondamentalement
claustrophobe. Il faut. lui donner confiance, lui faire
comprendre qu'il ne risque rien. Le but est qu'il rentre
tout seul, de lui-même. C'est alors acquis pour
toujours", soulignait Donald Newe. "Tant qu'on
n'a pas de problèmes, on ne va pas chercher ailleurs."
Un problème, Patricia Dutoit en avait un. Un
gros. "Mon jeune cheval de 4 ans était revenu
de trois mois de débourrage avec l'étiquette
inmontable et dangereux. Dès qu'on était
sur son dos, il fichait le camp jusqu'à ce qu'on
soit par terre. On ne comprenait pas ses réactions,
très violentes, car c'était un brave poulain,
foncièrement gentil au box. On l'avait élevé,
on ne pouvait pas le mettre à la boucherie!"
Pour la compagne de Sidney Schopfer, et pour Acapulco
CH, son cheval suisse de 4 ans, la rencontre avec Donald
Newe a été une révélation.
"C'était en octobre dernier. En deux heures,
il s'est mis sur son dos, tout seul, sans bride, au
milieu du carré. Puis il m'a demandé de
monter. Au vu du passé et des mauvais souvenirs,
j'étais plutôt tendue, mais ça s'est
bien passé." Ne se voyant pas "réussir
toute seule et craignant de mal faire", Patricia
Dutoit l'a ensuite mis un mois en débourrage
chez Jean-Luc Mayor, à Bossonnens/FR. "Depuis
le retour d'Acapulco à la maison, en janvier,
il n'y a plus eu de problème. Si c'était
à refaire, je ferai débourrer mon cheval
par quelqu'un qui travaille de cette manière,
car je suis maintenant persuadée qu'il y a une
autre façon d'aborder le cheval. Et c'est tellement
plus enrichissant !".
S. K.-D.
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Juin 2001 119
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